Neolitique à Greez
Cahiers de doléance de GréezExtraits de l'histoire de Greez par l'abbé Vavasseur

Les cahiers de doléance en deux parties :
- Leur contexte
- Leur contenu





Gréez en 1789 : le contexte des cahiers de doléance

Faisons un saut de deux cents ans dans le passé. Que se passait-il à Gréez-sur-Roc en 1789 ?

Deux siècles, c’est bien loin, et c’est aussi relativement proche. Si l’on admet par génération une durée moyenne de vingt-cinq ans, c’est notre sixième grand-père que nous avions alors comme ancêtre. Une grande partie des habitants actuel de Gréez ont donc eu des ancêtres parmi ces paroissiens, dont nous retrouvons les noms lors des « assemblées des habitans ».

Je dis « ces paroissiens » parce que la commune, telle que nous la connaissons, n’existait pas encore. C’était alors la paroisse Saint-Almire (ou St Almyre, ou St Almer) de Gréez-sur-Roc, et non pas, comme il est dit souvent, la paroisse Notre-Dame de Gréez, nom réservé à la chapelle du Bas-Bourg).

La paroisse était d’aussi grande étendue que la commune actuelle, et certains baptêmes se faisaient à Soizé, vu l’éloignement du bourg ou les mauvaises conditions du temps.

Peut-être Gréez était-il moins isolé que maintenant du fait que l’ancien Grand Chemin de Paris à Chartres passait par Vaufargis pour aller rejoindre Soizé et Brou. C’était le « Chemin aux Bœufs » par où s’acheminaient les longs troupeaux de bêtes destinées à l’alimentation de la capitale, chemin utilisé dans le même but pour les troupeaux de cochons, beaucoup plus lents. Il y avait à Vaufargis deux auberges, et un « enclos aux cochons », où l’on faisait reposer ces bêtes.

La commune était essentiellement agricole. Les terres étaient exploitées par les laboureurs (les plus aisés), les bordagers et les journaliers.

Certaines fermes (et non des moindres) appartenaient au Marquis Louis Hurault, de Vibraye (comme la Coeffounière, les Hulottières, la Rouillardière, la Motte), ou au Chapitre Saint Julien, du Mans (comme la Mairie ou le Moulin de Courgirault), d’autres à la cure, ou à la fabrique de Gréez (comme la Normandie, et parts de l’Hernerie de la Maison Neuve).

Les artisans habitaient soit le bourg, comme le maréchal, les « tireurs d’étain » (fabricants d’étanures, ou de toiles, les cordeurs, le cordier, et aussi l’aubergiste, soit au hameau, comme à Saint-Antoine où travaillaient des sabotiers et des charbonniers (proximité des bois ?).

Notons que Gréez comptait en 1789 environ 1140 habitants.

Quelles étaient les principales personnalités de la paroisse ?

         - Au Château de la Pinelière habitait le Chevalier Lefebvre d’Ivry, « seigneur de la Pinelière, Ivry et autres lieux ». En 1789, il fut nommé « syndic municipal ». Il devait « foy et hommage » à Monsieur le Marquis Hurault de Vibraye, à cause des « fiefs et seigneuries » de la Rouillardière, de la Motte et du Perrin.

         - Le fermier général, chargé du recouvrement des taxes, des tailles et des dîmes était le bourgeois Louis Franchet.

         - Le notaire : Laurent Martin Stanislas Boutroüe, qui est le seul habitant de Gréer-sur-Roc à avoir joué un rôle important dans la vie locale, départementale et même nationale (rappelons rapidement qu’il fut élu député à la Convention, et qu’il vota la mort de Louis XVI).

      - Le curé, en 1789, était Joseph Gervais Guimon. Comme dans toutes les paroisses, c’était la personnalité influente du pays. Naturellement il remplit son office de prêtre, mais aussi il dirige la Fabrique (l’ancêtre de notre Conseil Municipal), il intervient fréquemment dans ses assemblées. Il profite de son prône à la messe pour renseigner les fidèles sur les événements les plus importants et leur lire les textes officiels. De plus, c’est lui qui est chargé du registre d’état-civil, et il participe à l’éducation des enfants et à la surveillance de la tenue de ses paroissiens.

L’église faisait office de la mairie, ou de la Salle de Réunions actuelles. C’est à l’issue de la messe paroissiale que se tient « l’Assemblée des Habitans » ou « Général » de la paroisse, pour décider en commun des affaires importantes du village.

Les membres du Conseil de Fabrique, ou « fabriciers », la direction du Curé, se recrutaient parmi les notables locaux. Le procureur de la Fabrique était élu chaque année. En 1789, c’était  Piau Jacques, laboureur, qui avait succédé à Louis Laverton.

Grâce  à ces assemblées périodiques des habitants, il nous est possible de connaître les noms d’un certain nombre de paroissiens cités dans les actes comme « faisant et représentant la plus grande et la plus saine partie des habitants de la paroisse », qui ont été assemblés « au son de la cloche, en la manière accoutumée ».

Il y a peu de documents nous permettant de savoir ce qui s’est passé à Gréez en 1789. Le plus important est le Cahier de Doléances, qui fut rédigé le 1er mars. Il est probable que Boutroüe en fut le rédacteur, vu le vocabulaire assez recherché et la forme quelque peu « notariale ». Les principales revendications : suppression de l’impôt dit du « franc fief », de la gabelle (impôt sur le sel), des lettres de cachet, réforme du droit criminel et de l’établissement de l’impôt, établissement d’une loi unique pour tout le pays.

A la fin du cahier : les signatures de Jacques Piau, député, Boutroue, avocat au Parlement, député Lefebvre d’Ivry, chevalier, syndic municipal, François M. Reimbourg, grefier, Jean Hoyau, François Bouillon, Franchet, René Coudray, Fançois Binet, André Reimbourg, Jean Richard, R. Deroult et F. Lefeuvre (copie du cahier entier à la suite).

Le 2 août, le Conseil de Fabrique décide de faire effectuer des réparations à la Chapelle Bas-Bourg.

Le 8 novembre est une date à noter pour notre petite histoire puisque ce jour est décidée la pose d’une horloge à l’église. A cette dans, dans le registre des déclarations de la fabrique, nous pouvons lire :

« Le dit Derouet, procureur de la fabrique en exercice, nous a représenté que, depuis longtemps, on désirait qu’il y eût une horloge à l’église de cette paroisse, et il serait à propos de déterminer cette dépense. Sur quoi, nous, habitans, ayant mûrement délibéré, avons statué et arrêté qu’incessamment on commanderait une horloge, pour être placée dans la tour de cette église et, à cet effet, nous avons dit que le marché en sera fait devant notaire, avec l’ouvrier choisi pour cette opération, lequel marché contiendra les conditions la qualité de laditte horloge, le prix, les termes de payement, et l’époque à laquelle elle devra être faite et posée, authorisons le Sieur Curé à faire les dits payements, suivant qu’il sera réglé par le dit acte ; à l’effet de quoi nous avons remis entre les mains du dit Sieur Curé la somme de cinq cents livres, pour être employée aux dits payements, de laquelle il sera déchargé en rapportant quittance de l’ouvrier. »

Fait et arrêté au banc d’œuvre de la ditte fabrique, la cloche sonnant, par nous, Curé, Louis Franchet, bourgeois, Laurent Martin Stanislas, Boutroue, avocat au Parlement, Louis Derouet, maréchal, François Martin Reimbourg, Gilles Brière, Jacques Brunet, Louis Binet, René Gouault, René Jaulneau, Jacques Lhermenault, Denis Bruneau, Charles Née, Etienne Béala, Michel Laborde, Jacques Piau, François Bouillon, Louis Neveu, Jacques Debon, François Bouffard, Mathurin Thierry, Jean Hoyau, René Laborde, Marin Gaultier, Joseph Poirier et autres, faisant la plus saine partie des dits habitans, qui avons signé, excepté ceux qui ont dit ne le savoir, de ce xxxxxxxx

A noter que, parmi les 25 personnes citées ci-dessus, 11 seulement on signé !

La seconde moitié du mois de novembre 1789 fut probablement très pluvieuse, puisque « la planche qui sert à passer le fossé entre la Noue et l’église, et la prée de Ravat » fut détruite et emportée par les eaux. Le Conseil de Fabrique décida d’en mettre une autre : « En conséquence, nous authorisons le dit Derouet (le procureur) à faire abattre une trogne étant complantée dans les dittes  noes de l’église ».







Gréez en 1789 : Le contenu des cahiers de doléance

Plaintes et remontrances que font les habitans composant l’ordre du Tiers Etat, de la paroisse de Gréez, aux Roy, aux Etats Généraux, très augustes représentans de la Nation Française, dressé en l’assemblée du dit ordre, tenue à Gréez le premier mars mil sept cent quatre vingt neuf, et remis aux députés de la ditte paroisse, ainsi qu’il est constaté par le procès-verbal de la ditte assemblée.

Au Roy, et aux Etats Généraux du Royaume,

Supplient très humblement les habitans de la commune de Gréez,

Premièrement

De supprimer le droit connu sous le nom de « franc-fief » pour trois raisons principales, la première parce que ce droit blesse l’équité, en ce qu’il représente le service militaire dû au souverain suivant l’ancien régime féodal, et qu’il était regardé dans le principe comme le dédommagement de l’affranchissement du service militaire, dont un préjugé barbare rendait les roturiers incapables. La seconde, parce que cet impôt est la source une infinité de procès, et que la manière de le percevoir expose le citoyen à mille vexations. La troisième, parce que le peu d’importance des produits de cet impôt doit engager le souverain à le sacrifier avec d’autant plus de raison que sa suppression facilitera le commerce des biens féodaux, et engendrera d’autres droits, moins onéreux, et plus justement répartis.

Si l’Etat peut sacrifier cette faible partie de ses revenus, on doit au moins cette justice aux roturiers que les produits des francs-fiefs soient répartis sur toutes les propriétés indistinctement. Alors, cette charge particulière deviendra générale, et n’écrasera pas un petit nombre d’individus, aussi chers à la Patrie, aussi fidèles au Roi que le reste de la nation.

Secondement

D’ordonner que l’augmentation progressive des sols pour les livres ajoutées, ou qui pourraient l’être à l’avenir, au principal des impôts primitifs, ne pourront avoir lieu que sur les droits fixes et absolus imposés sur une quantité déterminée d’une denrée dans le prix, variant suivant la multiplication du numéraire, exige aussi un changement dans l’impôt. Mais que toute imposition relative, c’est-à-dire consistant dans une partie aliquote du prix ou du produit d’une chose, ne pourra être grevée des sols pour livre additionnelle, parce que ces droits augmentent naturellement en raison de l’augmentation successive du prix ou des objets qui en sont chargés.  De ce nombre sont les droits du franc-fief, centième denier, controlles les baux et les acquisitions de biens etc…    XXXXXXX ???

Troisièmement

De conserver et de perfectionner l’administration provinciale établie depuis une année et plus, et de donner aux établissements municipaux toute la consistance nécessaire pour que ces corps soient en état de rendre aux citoyens des services aussi prompts que peu dispendieux.
 
Quatrièmement

De permettre la chasse à tout citoyen possesseur de terres sur ses propriétés, sans distinction de fief ou de cens. En particulier, n’est-il pas ridicule qu’un particulier ne puisse tirer sur un lapin qui vient manger les choux de son jardin, tandis qu’il peut tirer sur la poule de son voisin lorsqu’elle vient y faire quelque dégât ? qu’il puisse tuer un perdreau dans un jardin hommagé, et qu’il ne puisse en faire autant dans un pré qu’il tient à cens ? Un prince d’Italie vient de nous apprendre que tous les hommes ont droit égal aux productions de la terre, et que le droit de chasse exclusif n’est qu’une violation du droit de la nature. Le grand duc de Toscane, frère de notre auguste reine, a accordé le droit de chasse à tout possesseur de terre sur ses propriétés, indistinctement.

D’ailleurs, ne devrait-on pas abréger, ou du moins diminuer la rigueur des peines imposées aux délits de chasse ? Y a-t-il la moindre proportion entre la peine et ce délit enfanté dans les forêts de la Germanie et conservé par la barbarie féodale ?

Cinquièmement

Quant à la réformation des coutumes et autres lois locales, quelques vœux que nous formions pour voir tous les peuples de la France assujettis à une même loi, cette réforme exige tant de travaux que nous nous contentons de la désirer. Cependant, ne pourrait-on pas réduire toutes les coutumes peu différentes, et dont le territoire et limitrophe, à une loi commune et générale ? Cette opération sans doute éviterait bien des procès, et cette considération mérite bien l’attention des Etats-Généraux.

Sixièmement

De réformer le code criminel quand à la forme de la procédure, et d’établir une proportion plus juste entre les délits et les peines, de restreindre à un petit nombre de crimes la peine de mort infligée pour des délits si légers, d’y substituer une peine qui, en punissant le crime, mette le coupable en état de réparer les torts qu’il a faits à la société. La justice, l’humanité exigent ces changements dans le cadre d’un peuple qui se distingue par la politesse de ses mœurs.

Septièmement


D’établir un impôt général et modéré qui, par sa nature, porte sur tous les citoyens, en raison de leur propriétés et de leurs facultés, de telle manière que l’individu ne soit point écrasé, et que l’Etat cependant ait des ressources nécessaires au soutien de la pompe royale, à l’administration intérieure du Royaume, à la défense des frontières et à l’entretien des forces terrestres et maritimes de la Nation, qu’il n’y ait aucun privilège à cet égard.

Huitièmement

D’établir ou, au moins, de réformer les gabelles, ce droit désastreux qui, portant sur un objet de première nécessité, pèse uniquement sur le pauvre citoyen. De supprimer également les aydes ; ce droit détruit le bonheur des peuples.

 
Neuvièmement

De défendre la vente du tabac râpé, et de remettre les choses à cet égard sur l’ancien pied, si le droit exclusif n’est pas supprimé totalement.

Dixièmement

D’établir les lettres de cachet. Il est inutile de répéter ici les raisons qui doivent déterminer à cet égard.

 

Le présent cahier a été arrêté par les habitans de la ditte paroisse de Gréez, dans l’assemblée convoquée à cet effet, ainsy qu’il est constaté par le procès-verbal en date du premier mars mil sept cent quatre-vingt neuf. Et ceux des dits habitans qui savent signer ont signé avec les députés et le Président de la ditte assemblée.

 

Signé :  Jacques Piau, Député

 Boutroüe, Avocat au Parlement, Député

 Lefebvre d’Ivri, Chevalier, Sindic municipal

F.M. Reimbourg, Greffier

François Bouillon

René Coudray

R. Dérouet

André Reimbourg

Jean Hoyau

François Binet

Jean Richard

F. Lefeuvre

Franchet